• Dimanche 4 mars, dans un studio couvert de miroirs, Jérémie Renier reproduit un des célèbres sauts de l’icône pop. | Photo Pierre Terdjman

    Dans le film événement, l’acteur belge ressuscite de manière troublante le chanteur.

    On appelle ça le rôle d’une vie, mais Jérémie ­Renier ne réalise pas encore qu’en incarnant une idole il pourrait bien en être devenu une à son tour. Il cherche les regards, les avis. Il cherche parce qu’il doute, toujours. De sa performance, d’abord, mais aussi des risques qu’il court d’être vampirisé à jamais par le surnom d’un chanteur populaire, disparu il y a trente-quatre ans : Cloclo. Le doute, c’est son moteur pour découvrir, se découvrir. « Au ­départ, je ne connaissais de Claude François que quelques tubes et cette image glacée de chanteur aux cheveux décolorés, entouré de minettes, un peu ringard. » Aujourd’hui, à force de travail, après avoir partagé l’intimité du mythe, il est rattrapé par le blues. « Quand, à la fin du film, j’ai vu le nom de Claude gravé sur une pierre tombale, j’ai été envahi par une mélancolie profonde. J’y pensais depuis treize ans, je l’ai fait, j’ai vécu avec lui et maintenant tout est fini. »

    C’est Antoine de Caunes qui, le premier en 2001, lui a révélé sa ­ressemblance avec le chanteur. « Je ­regardais un reportage photo sur “Le pacte des loups” et je suis tombé en arrêt devant une photo de Claude François. Qu’est-ce qu’il pouvait bien faire là ? C’était Jérémie, 20 ans. » Ce premier projet tombe à l’eau, mais Claude François Junior prolonge le fantasme. Quand il voit Jérémie ­Renier, en costume Smalto blanc, monter les marches du Festival de Cannes, il flashe sur l’image que le jeune acteur lui renvoie de son père et lui fait partager cette émotion. « Tous les deux m’ont donné une forme de licence, un passe-droit : j’étais l’élu, celui qui, un jour ou l’autre, devait incarner Claude. Même mes potes, en Belgique, se sont mis à m’en parler de façon récurrente. » Et puis les années ont passé.

    "Je partais de zéro"

    « Cloclo » a fini par voir le jour, réalisé en 2011 par Florent Emilio Siri. Après six mois d’un travail acharné, Jérémie est devenu Claude de façon sidérante. « Incarner un personnage connu, encore très présent dans les médias, met une pression énorme. Pour m’éloigner de ce ­vertige, je me suis planqué dans le boulot avec la peur au ventre de ne pas être à la hauteur. Je partais de zéro. »

     

    Psychologiquement mais surtout physiquement, la préparation est titanesque. Cinq heures de danse, trois heures de chant, deux heures de maintien et de percussions, de longues séances d’abdos, de musculation et de travail d’endurance deviennent son enfer quotidien durant des semaines. Il adore. « Plus je vieillis, plus cette préparation pour un rôle devient une drogue. C’est même presque plus intéressant, pour moi, que le tournage. » Jérémie Renier aime répéter qu’il est plus physique qu’intello. Il ajoute, un brin provocateur : « Je crois même que je suis un peu con. » Mais s’explique dans la foulée : « Il faut être insouciant comme un enfant, ne pas intellectualiser les rôles, les vivre avec son corps. Je suis quelqu’un qui a besoin d’un sucre pour avancer et, là, je suis prêt à tous les extrêmes. »

     

    Acteur ­fétiche des frères Dardenne, chantre du cinéma d’auteur, on l’imaginait à l’opposé d’un personnage de vedette à paillettes. Avec Claude François, ils ont pourtant un point commun : la vocation précoce. A quelques nuances près. « Claude avait, dès son enfance, la volonté de réussir dans la musique, d’accéder aux sommets. Il exprimait un désir de revanche assez violent. A 9 ans, quand je me suis présenté au casting de “Toto le héros”, c’était d’abord par curiosité, pour découvrir l’autre côté de l’écran. Je n’ai jamais été ambitieux ou carriériste. »

    Son parcours scolaire en témoigne. « Sans être un cancre, je n’étais pas un bon élève. J’avais du mal avec les méthodes d’enseignement. Je ne sais pas qui a écrit que j’avais une formation de mime, que j’avais fréquenté une école du cirque. Ce n’étaient que des stages de vacances. Je n’ai aucune formation. » Il a cependant une passion. Il tourne des films en super-huit avec ses copains. Il les met en scène, recopiant ceux qu’il a déjà vus sur petit écran. « J’allais peu au cinéma, mais mon père, ostéopathe comme ma mère, avait une vidéothèque de folie. Durant toute mon enfance, j’ai dévoré des films très différents : “Lune de fiel”, “37°2 le matin”, des James Bond, des Belmondo. Ils m’ont nourri, tout appris. J’ai tenté des études artistiques, mais je passais surtout mon temps à fumer des joints. Par contre, j’ai toujours fait beaucoup de sport : escalade, karaté, athlétisme, tennis, vélo, patin à glace, roller. »

    Des Dardenne à Pablo Trapero

    Il a 14 ans quand les frères Dardenne l’engagent pour jouer dans « La promesse », à condition qu’il promette de couper ses cheveux trop longs. Il refuse. Aujourd’hui, ils se souviennent : « Il avait un petit côté voyou avec une tête d’ange. » Jérémie sourit, comme un gamin qui accepte de s’être fait choper sur le fait. « J’étais un ado qui aimait ­tenter des expériences nouvelles et qui faisait pas mal de conneries. Je crois que mes parents ont dû vivre quelques frayeurs, je m’en excuse. Je n’aimerais pas vivre ça en tant que père. J’ai eu la chance que la communication avec eux ne soit jamais coupée. Il y a toujours eu une écoute de leur part, comme un garde-fou, qui m’a ­empêché de me perdre ­totalement. » Entre 14 et 17 ans, il refuse plusieurs propositions de film. « Je n’étais pas pressé. Ma première expérience avec les Dardenne avait été enrichissante, certes, mais compliquée et difficile pour un môme qui se rêvait plutôt en 007. Je n’étais pas sûr non plus d’être armé pour affronter seul le monde des adultes. »

    A 17 ans, il replonge pour de bon. Sur le tournage des « Amants criminels », de François Ozon, il tombe amoureux de sa partenaire, Natacha Régnier. Il quitte la Belgique pour la rejoindre à Paris, où il partagera sa vie durant deux ans. François Ozon n’a évidemment pas oublié. « J’étais jaloux de cette complicité fusionnelle qui était bien plus importante que celle que j’avais avec eux. Aujourd’hui encore, alors qu’il a femme et enfants, je vois toujours Jérémie comme un gamin, un petit frère époustouflant. »

     

    A 31 ans, le gamin a déjà tourné plus de 30 films. Entre deux, il part se ressourcer chez lui, en Belgique. « J’ai une femme merveilleuse, qui me soutient, qui me recentre et me balance des claques s’il le faut. Les enfants permettent de relativiser la vie, de définir des priorités. Le fait d’être père a déclenché chez moi une hypersensibilité, je dirais même une fragilité nouvelle. Je ne m’y attendais pas. Dès que je vois un enfant en difficulté, au cinéma ou dans la vie, je craque systématiquement. »

    Arthur, 11 ans et demi, et Oskar, 6 ans et demi, sont venus le rejoindre deux semaines sur le tournage d’un nouveau film, « Elefante blanco », qu’il vient de terminer dans les bidonvilles de Buenos Aires où aucun policier ne pénètre. « Le film délivre un beau message. Je voulais que les petits partagent ça, et aussi un peu l’existence des enfants de ces “vichas” qui vivent pieds nus, pas forcément en bonne santé, mais qui sourient perpétuellement. Nous, on est bien logés, bien nourris, on a, passez-moi l’expression, le cul bordé de nouilles. C’était aussi une façon de les éveiller au monde. »

    L’acteur et le père ont donc repris le cours de leur vie. Mais Jérémie est encore hanté par cette pierre tombale et par cette séquence à laquelle il n’a pu échapper. « La fameuse salle de bains de Claude, lieu du drame, avait été reconstituée, comme le reste de l’appartement du boulevard Exelmans. Ils ont voulu me la montrer à plusieurs reprises, mais j’ai toujours refusé d’y pénétrer, jusqu’au jour où nous avons tourné la scène fatidique. A la fin, au moment où je dirigeais ma main vers l’applique électrique, je n’ai pu m’empêcher de me dire : n’y touche pas, s’il te plaît, n’y touche pas. »Point final


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  • CINÉMA. "Cloclo" : ancienne Clodette, j'ai vu le film... il est trop court !

     le 16-03-2012 à 18h12

     

    LE PLUS. La légende de Claude François est toujours bien vivace, et d'autant plus cette semaine avec le film "Cloclo". Ce film plutôt flatteur pour le chanteur en costume à paillettes ne pouvait que plaire à une de ses anciennes collaboratrices : Prisca Ligeron, ancienne Clodette.

    Édité et parrainé par Amandine Schmitt

    Je suis contente pour Claude que "Cloclo" ait été réalisé. C’est un artiste qui méritait tout à fait un long-métrage portant sur sa vie et sur sa carrière. Deux heures et demie, c’est même trop court : il y a tellement de choses à dire encore, à partager…

    J’ai vraiment apprécié ce film qui m’a ramenée quelques années en arrière auprès de Claude. Faire partie de son aura, c’était fabuleux. Pour commencer, ça m’a rappelé les années où j’étais fan avant même que je ne sois Clodette. Les premiers moments que j’ai connus auprès de la star sont ceux que l’on voit dans le film : les hordes de fans qui l’attendaient devant ses bureaux, devant ses salles de concerts, qui le suivaient de voiture en voiture.

     

    Ce qui m'a le plus plu, c’est peut-être de voir l’enfance de Claude François en Egypte, petit garçon en train de danser et de jouer du tam-tam dans les rues. C’est intéressant de comprendre d’où il vient, même si, bien sûr, je le savais.

     

    Mais en réalité, mon vécu est meilleur que le film. Les relations entre danseuses, musiciens, choristes et toute la troupe étaient bien plus profondes que ce qu’on voit et auraient méritées d’être développées. Il manque les dîners que nous faisions après les galas, les briefings dans les loges. On voit Claude François échanger une phrase avec son musicien Slim, mais c’est tout. Il manque la complicité avec les Clodettes, alors que sa troupe, son métier, c’était sa vie. C’est quelqu’un qui vivait pour son métier.

    Claude François et les Clodettes dont Prisca tout à gauche (DR).

    Claude François est montré comme un grand séducteur. C’est vrai qu’il était sensible au charme féminin, mais il restait attentionné et délicat. Ce n’était pas une bête qui sautait sur toute chair fraîche passant à proximité !

     

    Il se sentait mal lorsque tout n’était pas parfait. Et quand c’était le cas, il reprenait tout de A à Z. Ça pouvait être le son, l’éclairage ou la musique. A vrai dire, c’était souvent les problèmes techniques dont il se souciait.

     

    En ce qui concerne les Clodettes, je ne dirais pas que sa façon de nous manager était dure, mais simplement qu’il était exigeant. C’est-à-dire qu’il pouvait être pointilleux sur certains mouvements, il ne voulait pas que ça parte dans tous les sens. Mais venant de l’Opéra de Paris, je savais déjà ce qu’était la rigueur.

     

    J’ai parfois eu peur d’être virée par Claude François, mais je dois dire qu’on était quand même assez privilégiées. Il nous aimait beaucoup, nous n’avions réellement pas à nous plaindre.

    Claude François et les Clodettes dont Prisca au centre (DR).

    Claude François a suivi mon parcours de très près : j’étais d’abord une fan et à chaque fois que je venais le voir, il se souvenait très bien de moi. J’ai ensuite été mannequin et fait des photos pour son magazine "Podium". J’ai dû faire mon premier gala à 14 ans et demi. Puis, comme Claude s’est rendu compte que j’étais vraiment jeune, j’ai arrêté pendant quelques mois. Mais un an plus tard, j’étais totalement intégrée dans la troupe des Clodettes… et j’ai continué jusqu’à la fin.

     

    Etant l’une des plus jeunes de la troupe, j’ai toujours été un peu protégée, il y avait en quelque sorte une relation paternelle avec Claude François. J’étais danseuse professionnelle, je crois qu’il y était sensible. Il savait que j’étais travailleuse, sérieuse. Et puis, j’ai fondé l’école des Clodinettes, où j’apprends à des petites filles ses chorégraphies. Il savait que je marchais dans son sens… pour la vie.

     

     

    Propos recueillis par Amandine Schmitt.


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  • Le moulin de Dannemois: bienvenue dans le monde Claude François

    Par , publié le <time datetime="2012-03-13 19:00:04" itemprop="startDate" pubdate="">13/03/2012 à 19:00</time><time datetime="2012-03-13 19:06:03" itemprop="dateModified">, mis à jour à 19:06</time>

    DANNEMOIS (Essonne) - Derrière le mur et le portail, le temps semble s'être arrêté au moulin de Dannemois, non loin de Paris : tout en paillettes, Claude François et ses clodettes dansent toujours sur les succès du chanteur, pourtant mort il y a 34 ans.

    <figure class="ouverture"> Le moulin de Dannemois: bienvenue dans le monde Claude François <figcaption> </figcaption></figure>

    Le moulin de Claude François, à Dannemois le 7 mars 2008

    afp.com/Miguel Medina

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    Mais aujourd'hui, ce ne sont que des sosies chargés de distraire les touristes, venus comme en pèlerinage visiter cette bâtisse du XIIe siècle dont le cadre bucolique, avec sa roue et son pont de bois, servait de havre à la vedette entre deux tournées. 

    Le film "Cloclo", réalisé par Florent Emilio Siri et interprété par Jérémie Rénier (sortie le 14 mars), a en partie été tourné dans ce moulin de l'Essonne, racheté en 1998 par Marie-Claude Lescure et son mari qui renoncent alors à leur projet de boulangerie à Monaco pour "ouvrir aux fans" la résidence du chanteur. 

    Victime d'un incendie lorsque Cloclo y vivait, transformé par ses propriétaires successifs, puis laissé à l'abandon pendant quatre ans, le moulin était alors dans un triste état. 

    "Il n'y avait rien, mais les gens voulaient rentrer dans le domaine de leur idole, voir où habitait Claude François", se souvient Marie-Claude Lescure. 

    Le couple réside aujourd'hui dans le domaine, leur chambre est à côté de celle qu'occupait Cloclo. 

    Ils ont rénové le lieu en restant fidèle à ce qu'il était lorsque le chanteur y résidait, photos à l'appui. Notamment pour la maison américaine, ancienne grange qui fait face au moulin. 

    Salle de restaurant et de spectacles, location pour les mariages, visites guidées... le couple dirige aujourd'hui une petite entreprise. 

    Prochaine étape: un hôtel avec des petites chambres de charme. "Mais surtout nous allons essayer de recréer la chambre de Claude François", se réjouit Marie-Claude Lescure. 

    Pelle à tarte 

    En attendant, la guide Brigitte Gadroy montre aux visiteurs "le téléphone du +Téléphone pleure+", saluée par un "aaah" général. "Claude est number one dans ma tête et dans mon coeur", confie-t-elle, s'avouant fan depuis ses douze ans. 

    Dans ce vaste espace ouvert, devant le canapé en peau de vache, Catherine Berquier, 57 ans, ne vouait pas la même adoration au chanteur mais il "faisait partie de notre vie, de notre génération", estime-t-elle. 

    "Je suis venue au moins quatre fois sur sa tombe. Et je l'ai vu trois fois en concert, je n'étais pas allée travailler pour m'y rendre, j'étais une folle! Aujourd'hui encore, quand je vois l'enterrement à la télé, je pleure", raconte Marie-Pierre Braeckeveldt, 54 ans, venue du Pas-de-Calais avec son compagnon. 

    Puis elle replonge dans les costumes, chaussures, photos, affiches, installés dans le petit musée. 

    Derrière la baie vitrée, scintille la piscine, dans laquelle des hauts-parleurs avaient été installés. 

    Chemise à col pelle à tarte et costume blanc et rouge, Franck D'Auria, 38 ans, incarne le chanteur et danse avec les clodettes au milieu de la salle de restaurant. "Je suis Claude François à l'année depuis 17 ans. Ma passion de gamin est devenue mon travail". D'un geste, il relève la manche de sa chemise en satin rouge, comme le faisait Cloclo. 

    A 16 ans, Alexandre n'a pas connu l'époque des yéyés ou des rythmes discos. Il est juste venu admirer sa petite amie, l'une des Clodettes. Pour autant, il connaît les tubes du chanteur : "dès que je fais une soirée, on est obligé d'en mettre". 

    Le chanteur repose aujourd'hui à quelques centaines de mètres de son moulin, dans le petit cimetière de Dannemois. Sa statue trône parmi les fleurs, les plaques, une urne et un buste sculpté. 

    Parmi les nombreux admirateurs qui passent devant la sépulture, Jocelyne, 62 ans, vient avec son mari plusieurs fois par an: "c'est toute ma jeunesse".


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