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Critiques du film cloclo
L’une des grandes réussites du film, et celle dont vous entendrez très certainement le plus parlé est l’interprétation de Jérémie Rénier. Comme le laissait déjà présager les bandes-annonces du film, il suffit d’à peine quelques secondes pour oublier l’acteur. Rénier ne joue pas, il est Claude François. C’est ainsi qu’avec pas moins de six mois de préparation intensive comportant l’apprentissage du chant et de la danse, sans oublier le travail sur la voix si particulière du chanteur, l’acteur réussit un exploit qui devrait lui valoir une jolie statuette, du moins on l’espère, aux Césars 2013 (oui, je sais, c’est encore loin). Prestation exceptionnelle certes, mais qui ne doit cependant pas éclipser le reste du casting, tous parfaits dans leur rôle, y compris Benoît Magimel malgré le choc que peut représenter sa transformation physique (il campe le producteur Paul Lederman dans le film).
Difficile d’évoquer la prestation d’acteur sans dévoiler un peu de la grande magie du film à travers son mixage sonore, qui constitue une prouesse technique incroyable. Là où l’on est habitué à voir et entendre des acteurs qui se vantent à longueur d’interview d’avoir chanté eux-mêmes les chansons du film, l’équipe technique a poussé l’illusion bien plus loin. En effet, non seulement Jérémie Rénier a appris à chanter chaque chanson à la manière de Claude François, mais sa voix a été mixée avec celle du véritable Claude François ainsi que celle de quatre sosies vocaux de l’interprète (la voix originale n’ayant pas une clarté suffisante par rapport aux installations sonores d’aujourd’hui). Le résultat crée une illusion tout simplement parfaite, et les fans du chanteur devraient être aux anges.
Mais abordons maintenant ce qui fait la véritable force du film, à savoir l’incroyable rythme du film, ce qui allie à la fois scénario, mise en scène et montage, ce qui ne surprendra pas les fans du réalisateur, même s’il semble encore avoir progressé. C’est simple, la construction scénaristique du film évite toute lourdeur, et ne s’appesantit jamais sur des détails inutiles. Et c’est là que la mise en scène de Siri prend le relais justement, chaque partie n’étant pas traitée scénaristiquement étant dès lors évoqués par la mise en scène. En témoigne cette scène au début du film où le père de Claude François, parle à sa femme, tandis qu’en l’espace d’un plan d’à peine deux secondes sur le regard réciproque entre une amie de la femme en question et l’homme sous-entend une probable liaison entre eux. Idem, lors de l’enregistrement de « Comme d’habitude » en studio où le reflet dans la vitre de sa compagne de l’époque la juxtapose au chanteur, évoquant l’aspect autobiographique des paroles de la chanson.
Une mise en scène incroyable, qui va autant chercher son rythme par le biais d’un découpage extrêmement dynamique, permettant d’éviter l’aspect kitsch des clips de l’époque, qu’à travers des plans séquences extrêmement maitrisés nous plongeant directement dans le quotidien de la star. Car c’est justement par ces grands écarts entre distance et proximité des personnages que le film surprend le plus, tant l’exercice pourtant périlleux, s’avère au final totalement réussi (avec une grosse surprise lors d’une séquence que je vous laisse découvrir, où l’on entre carrément dans l’esprit du chanteur). Monté comme un thriller plus qu’un biopic, les 2h30 du film s’avèrent presque trop courtes tant on aurait aimé que l’aventure continue. Mais comme nous le savons tous, c’est bien la réalité qui mit fin à cette incroyable ascension de cet homme, dont Siri a dressé un portrait sans concession, où l’avis personnel du réalisateur n’est donné que par la mise en scène, le scénario ne se permettant jamais de juger.
«A bien des égards, la tâche du critique est aisée. Nous ne risquons pas grand-chose. Et pourtant, nous jouissons d’une position de supériorité par rapport à ceux qui se soumettent avec leur travail, à notre jugement. Nous nous épanouissons dans la critique négative, plaisante à écrire et à lire. Mais l’amère vérité qu’il nous faut bien regarder en face, c’est que dans le grand ordre des choses, le [film] le plus médiocre a sans doute plus de valeur que notre critique qui le dénonce comme tel.»
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